Lors du dernier congrès MJN (Hammamet), présidé par Grégory Betta (Allauch), Olivier Jamar, notaire en Belgique, a émis une proposition audacieuse en matière d’installation. Il a en effet proposé de modifier le mode de “recrutement des notaires” en généralisant en France et en Europe le concours pour accéder à la fonction de notaire. Explications.
Notariat 2000 : Pourquoi préférer généraliser le concours plutôt que sa suppression pour accéder à la profession ?
Olivier Jamar : Il est très probable que la Cour de Justice des Communautés européennes va remettre en cause la condition de nationalité. Une fois la suppression de cette condition consacrée, toute personne ayant acquis dans un pays européen une formation et une expérience équivalentes à celle exigée en France, sera en droit de s’établir dans ce pays et d’y exercer la profession de notaire. Toute décision administrative qui se fonderait sur la nationalité étrangère du prétendant pour lui refuser d’exercer serait considérée comme discriminatoire et contraire aux règles du Traité fondateur de l’Union européenne. La réussite d’un concours pour accéder à la fonction de notaire constituerait assurément une condition irréprochable au regard des règles du Traité européen pour accéder à la profession de notaire dans la mesure où elle ne crée pas de discrimination entre les juristes européens et qu’elle vise à assurer de manière adéquate et proportionnée la qualité du service notarial que peut légitimement attendre de cette profession le consommateur. Ce mode de recrutement aurait également l’avantage de démocratiser la profession. Il permettrait de légitimer aux yeux de l’opinion le monopole et l’accès à la profession de notaire, qui se fonde ainsi sur le mérite et non plus sur la « génétique », sur la fortune ou sur les relations.
Notariat 2000 : N’est-ce pas une proposition un peu utopique ?
Olivier Jamar : Non, puisque le concours est déjà partiellement institué en France. Il fonctionne bien là où il est appliqué. C’est même une condition d’accès à tous les offices en Alsace-Lorraine et aux offices créés sur l’ensemble du territoire français ! Par ailleurs, même si ce n’est pas encore le cas en France, le concours n’est pas incompatible, sauf en cas de création d’office où il ne se justifie pas, avec le paiement d’une indemnité pour la reprise du protocole pour autant que celle-ci soit légalement organisée dans la transparence et contrôlée par les organes officiels de la profession.
Notariat 2000 : Existe-t-il déjà un système identique dans d’autres pays ?
Olivier Jamar était rapporteur au congrès du Mouvement Jeune Notariat 2009 d’Hammamet.
Olivier Jamar : Sans être exhaustif, le concours existe en Italie, en Espagne et en Belgique. Chez nous, il a été institué depuis moins de 10 ans, sans remettre en cause le principe du paiement d’une indemnité de reprise de l’étude (patrimonialité des charges). J’ai été nommé avant son instauration et j’avoue que sa mise en place ne me séduisait guère. Aujourd’hui, je dois reconnaître que je suis vraiment impressionné par les qualités intellectuelles et morales des confrères issus du concours. C’est pourquoi je suis favorable à une généralisation du concours dans l’ensemble des Etats de l’Union européenne. Notre profession pourrait enfin y être organisée dans le cadre d’un règlement ou d’une directive portant sur la coopération dans l’exercice de la profession de notaire au sein de l’espace européen de justice.
Notariat 2000 : Si vous deviez donner un conseil à vos confrères français pour améliorer l’installation, quel serait-il ?
Olivier Jamar : Je n’ai pas de conseil à donner à mes confrères français, même si j’aime débattre avec eux de nos expériences. Toutefois, j’ai perçu en France l’expression d’un double malaise à l’égard de la profession :
celui de nombreux jeunes pour qui le système actuel d’accès à la profession manque de transparence, de légitimité et de l’aubaine que représente le concours pour la création d’office ;
celui de l’opinion publique française qui s’exprime avec beaucoup trop d’agressivité à notre égard, au travers des médias, des associations de consommateurs, mais aussi d’un trop grand nombre de représentants politiques. Pour eux, assurément, le notariat manque de légitimité, ce qui ne devrait pas laisser indifférent le notariat français, mais au contraire l’inciter à engager une reflexion…