Le monde entier reconnaît l’exactitude de cette loi naturelle. Bien avant Lavoisier, le philosophe Anaxagore l’utilisait pour expliquer la nature à Périclès et Euripide. Aujourd’hui, le concept « d’économie réelle » rappelle que les « bulles » ne sont que de l’air. Concept gazeux direz-vous ! Que non ! Dans une phase d’ »éco-anémie », pourquoi transformer ce qui fonctionne ? Est-il utile de déshabiller Pierre, avec la certitude de lui faire attraper la mort, pour mieux habiller Paul qui n’ira pas mieux pour autant ?

 

Les notaires assurent un service public. Pour leur éviter une exploitation déficitaire, l’autorité concédante associe des avantages de compensation aux contraintes du service public (numerus clausus, protections contre la concurrence permettant d’accepter une déontologie rigoureuse, etc.). Mais, parallèlement aux pharmaciens qui se « drugstorisent », les notaires tendent parfois à se comporter comme des « professionnels ordinaires ». Ils valorisent le savoir-faire au détriment de la fonction, créant de soi-disant spécialités et générant des comportements concurrentiels entre confrères. On valorise la constitution de réseaux, le rapprochement et le partage de clientèle avec des experts comptables ou des assureurs, l’abandon des centres urbains pour des implantations d’études en zones artisanales, certains jouent à la galerie marchande et permettent à des banquiers, à des assureurs, à des conseillers en patrimoine de vendre leurs services dans les locaux de l’étude. Alors que la déontologie de nos confrères européens ne permet qu’exceptionnellement la signature d’actes hors étude, les Chambres, Conseils régionaux et même le CSN entretiennent des bureaux pour les signatures d’actes reçus par des « notaires nomades ». Le notariat français se querelle dans des concours et partages de compétence qui ouvrent la voie à la demande de partage et de collaboration des avocats et bientôt des experts comptables ! Les réussites personnelles font de l’ombre à la fonction, les envies qu’elles suscitent provoquent des excès ou des drames qui causent un tort certain à l’institution notariale.

 

« Chameau et dromadaire »

Le rapport Darrois, l’incompréhension de notre garde des Sceaux, les débats de l’Assemblée nationale montrent que le notaire est perçu, en France, comme une espèce cousine de l’avocat. Un hybride à la fois « chameau et dromadaire » ! D’où les funestes idées de l’interprofessionnalité, de l’acte d’avocat, des participations financières… La création de l’acte d’avocat peut s’expliquer par la juxtaposition des bons revenus perçus par les gestionnaires du service public notarial et les difficultés de certains avocats. Le Gouvernement organise un partage de profits par l’ouverture d’un marché plutôt que par la régulation des intervenants. Dans les Pyrénées, la surpopulation des vautours les amène à s’attaquer à des animaux vivants : faut-il réguler les vautours ou indemniser les fermiers et accepter la mutation du vautour en carnassier ? Il est certain que les notaires perdront du volume d’activité. Rien n’étant prévu pour le compenser, ils devront réguler la taille de leurs équipes ou avoir des comportements concurrentiels qui ne sont pas compatibles avec leur fonction ! L’interprofessionnalité et les participations financières sont gravement plus contre-nature…

 

Soldat du droit, pas un mercenaire

« Nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » nous dit St Matthieu. Dans ce parallèle, il faut replacer la conscience de l’officier public qui sert la société et ne peut servir les intérêts économiques de son employeur. Si nous devons beaucoup espérer des modèles étrangers, il nous faut également faire une véritable réforme interne et respecter notre statut. Le notaire est mis à la disposition des citoyens par l’État. Il doit être rémunéré selon un tarif uniforme, il ne doit pas faire de réduction ni accepter de supplément de rémunération. Il est le conseiller des usagers, pas le complice des intérêts privés de clients qui lui offrent des suppléments ou le menacent de concurrence. Il n’est pas un « mercenaire », mais un « soldat du droit ». En ce sens, sa fonction est incompatible avec la profession d’avocat et, a fortiori, elle ne saurait en être une sous-catégorie. Demeure cette question : mise à part la réussite financière, aimeriez-vous que votre étude de notaire ressemble à un cabinet d’avocat type Darrois ? Si oui, inscrivez-vous donc au barreau… car le notariat, on l’aime ou on le quitte !