Clémenceau disait que la guerre était « une chose trop grave pour la laisser à des militaires » ; on pourrait presque dire aujourd’hui que la tarification des actes notariés est un sujet bien trop complexe pour le laisser aux instances, qu’elles soient gouvernementales ou régaliennes notariales…

Ceux qui ont pris le temps et le recul nécessaire pour analyser objectivement la situation, et rechercher une solution qui puisse à la fois satisfaire les exigences de sérénité d’un service public – condition même de son efficacité – et de « pertinence » des coûts, l’ont bien compris, tout le problème vient de la façon dont est envisagée cette tarification.

Côté notariat, la « défense d’un pré carré » n’est réellement la préoccupation que de ceux qui se sont attribué la plus belle partie du pré, et broutent une herbe grasse en bénissant le berger, tandis que les autres quêtent une herbe aussi rase que rare dans des zones arides.

Côté gouvernement (si on admet qu’il y ait une pensée au gouvernement, ce dont on peut décidément douter ces dernières semaines), on parle toujours du « salaire des notaires » et on s’émeut généralement de la « rente », avant de la renforcer encore, faute de lucidité et de compétence…

Comment cela, je suis irrespectueux ? Eh bien vous avez ainsi la preuve que je ne cherche pas à être Calife à la place du Calife, comme certains le prétendent, puisque je me contente fort bien d’être inSultant, et qu’il faut être Vizir pour avoir de telles ambitions !

Non, simplement fidèle à Pierre DAC : je suis moi, je viens de chez moi, et j’y retourne, et je n’ai rien à faire des ors de la République et bien moins encore de ceux de la Tour…

Mais avouez quand même qu’il y a de quoi s’inquiéter…

Lorsque le 23 mars 2016, alors que nous avions demandé à rencontrer les responsables de la réforme tarifaire, nous ne nous attendions certes pas à entendre d’éminents hauts fonctionnaires nous affirmer que la rémunération des notaires pour les petits actes « avait été augmentée« !

Il aura fallu de la patience, de la documentation, des calculatrices (et même, dans une réunion suivante, des bûchettes, pour les plus anciens qui ont connu cet outil éducatif primaire…) pour qu’enfin les conséquences de l’écrêtement soient comprises… Et quelle ne fut pas alors notre surprise d’entendre nos interlocuteurs d’une voix blanche et la mine déconfite nous demander « Mais alors POURQUOI vos instances ont-elles validé le principe ? »

Répondre à cette question relèverait de la supputation, et comme disait Thierry le Luron : je ne suppute pas gratuitement.

Alors, nous (Rēs Iste) avons demandé audience au CSN… Redemandé. Re-redemandé, recevant des réponses négatives, parfois déplaisantes, parfois courtoises, jamais réellement argumentées, pendant que ceux qui président au destin de notre profession nous dénigraient dans les Assemblées de compagnies…

Bref, nous n’avons toujours pas la réponse.

QUATRE ANS PLUS TARD

Nous sommes aujourd’hui à quelques jours de la fin du deuxième délai de deux ans depuis la parution de notre tarif actuel, et rien de précis ne filtre… Peut-être est-ce l’annonce d’un nouveau report, tant il est vrai que la période crée beaucoup d’occupations autres pour le gouvernement. Qui sait ?!

Mais si ce n’est pas le cas, on guette avec angoisse, mais en vain, les signes d’une réflexion cohérente, de principes réellement adaptés…

Côté gouvernement, il a été rapporté lors de la dernière réunion des « élus du notariat » que le CSN aurait reçu le 16 janvier un projet de décret « méthode », dont serait littéralement extrait ce qui suit :

« Il est fixé un objectif de taux de marge, résultat d’un taux de référence lui-même fixé en fonction de taux constatés et de la distribution de résultats entre études ; les modalités d’une analyse par décile ne sont pas fixées. 

Il s’agit d’un double corridor autour du taux de référence et autour de la valeur absolue des tarifs moyens actuels.»

Des histoires de taux taux qui pourraient nous laisser penser qu’on nous prend pour des ‘déciles…

Rien de rassurant, convenons-en…

Il en est pour dire : « c’est bien la preuve qu’il est nécessaire de laisser la négociation aux spécialistes du CSN qui seuls (surtout qu’on en a recruté, nous, hein des énarques, on ne les aime pas, on les critique tout le temps, mais on en fait pantoufler sans vergogne, depuis des décennies maintenant !) ont les informations et les compétences nécessaires pour défendre l’essentiel…Comme ils l’ont toujours fait »

CHIFFRES ELASTIQUES

Et puis…

Oh et après tout :  lisez vous-même : « De plus, une taxe de 322 millions d’euros est prélevée sur les émoluments et honoraires des offices notariaux, puis fléchée vers la CRPCEN. « Ces montants pourraient alimenter un étage de retraite par capitalisation », indique Jean-François Humbert, en vantant l’aspect redistributif de cette taxe de 4 % prélevée sur la masse salariale « qui pèse surtout sur les gros offices, au bénéfice des petits offices ruraux ». En l’état actuel du projet, la taxe n’est pas supprimée, mais déversée dans le fonds de solidarité universel du futur système. »

Bon, je vous le concède, je suis un littéraire pur jus, et les mathématiques (modernes) m’ont toujours posé quelques problèmes, mais je sais bien, comme je le disais voici quelques années à un Président de Conseil Régional et ami qui m’objectait « les chiffres ne mentent pas » que « les menteurs chiffrent souvent » et qu’au commencement était le verbe…

Ainsi donc Monsieur le Président 4% d’un gros chiffre d’affaires pèserait plus sur l’entreprise que 4% d’un petit chiffre d’affaires ?

Il m’a fallu quelques semaines pour reprendre mon souffle, après que cette lecture ait provoqué en moi une crise d’hilarité que je qualifierais d’historique (d’autant qu’elle suivait de près une émission télévisée au cours de laquelle vous affirmiez sans pudeur avoir un revenu bien peu parisien…), et mes esprits.

Maintenant j’ai compris pourquoi nous avons toujours été aussi mal défendus !

Entre ceux qui parlent pour ne rien dire et écrivent des textes « que vous comprend rien« , et ceux qui s’écoutent parler sans même se comprendre, on n’est pas loin du « dialogue de sourds »(1)

ET MAINTENANT ?!

Monsieur le Président, alors que je vous demandais, comme à vos prédécesseurs une audience pour le compte de l’Association Res-Iste, vous m’avez répondu « il y a au CSN une commission tarif, qui travaille et vous n’en faites pas partie ».

J’ai peur de comprendre ce que vous vouliez dire…

Je n’ai jamais – ni aucun des membres de Res-Iste à ma connaissance – revendiqué une place dans cette commission, nous souhaitions juste venir apporter un autre éclairage, et faire taire les rumeurs stupides à base de « tarif social » ou de « bolchevique » que certains entretiennent pour mieux nous conduire au désastre, et permettre ainsi une réflexion construite… Une contreproposition étayée.

Mais vous avez préféré, à l’encontre de tout ce qui avait été dit concernant le refus des petits offices d’être sous perfusion, dépendants des autres, soumis à une « PAC notariale », créer un mécanisme de solidarité infamant pour les plus petits, spoliateur aux yeux des « à peine gros » et défiscalisant provisoirement pour vos semblables… Mécanisme dont je me suis laissé dire qu’il pourrait être pérennisé, ce qui serait bien pire convenez-en que celui que nous proposions, grâce auquel personne n’était spolié, personne n’était dépendant (Si, si ! Je vous l’assure, mais vous n’avez manifestement pas lu nos documents, pourtant disponibles sur le site www.res-iste.fr)

Les éléments ci-dessus me confortent dans l’impression qui est mienne depuis longtemps, et qui a été confirmée par Scott Adams dans l’un des « strips », paru le 21 avril 2005, de son « comic » Dilbert…

Un chef d’entreprise (type Medef, ou notaire salarié futur Président du CSN puisque vous l’avez appelé de vos vœux à la dernière Assemblée de liaison) dit à ses subalternes :

« Ne prenez pas mal d’avoir seulement 3 % d’augmentation, je n’ai personnellement que 2 % »

L’une d’entre eux ose répondre, l’insolente ! « Sommes-nous en droit de penser que 2 % de VOTRE paie est plus gros que 3 % de NOTRE paie ? »

Et le premier reprend… Voyez vous-même :c’est sans trucage !

Il semble par conséquent bien difficile, avec un patronyme comme le mien, d’espérer un sursaut de conscience, une volonté d’ouverture… Si ce n’est que ça, sachez que je suis prêt à passer le relais !

Et sinon, mes buchettes et moi-même sommes tout disposés à venir vous expliquer – ainsi qu’aux membres de la susdite commission – ce que jusqu’à présent (mais c’est loin d’être la seule chose, je ne le sais que trop !) vous n’avez pas souhaité entendre, tandis que les « autistes »(2) des cabinets ministériels nous ouvraient leur porte et se déclaraient demandeurs de solutions réfléchies, équilibrées et bienveillantes.

D. MATHY

 

(1) Sans vouloir par l’utilisation de cette formule séculaire offenser en quoi que ce soit la communauté des malentendants (qui nous tient particulièrement à cœur à SAGY, patrie de Ferdinand BERTHIER inventeur de la langue des signes) et ce surtout s’ils sont en même temps femme et éventuellement « de couleur », bien évidemment, nous sommes en France, cornegidouille !

(2) Là ce n’est pas moi qui le dis, je cite seulement les éléments de langage de nos précédents bureaux du CSN, palsambleu !